Article publié par le Huffington Post sous le titre « Université du P.S: après la débâcle électorale, pas de sursaut en vue ». La version mail contient un Post Scriptum réservé aux « privilégiés » enregistrés dans mon fichier. 

L’Université d’été du Parti Socialiste à La Rochelle, à « la belle époque », c’était un peu son Festival de Cannes. Militants, élus, responsables politiques de premier plan prenaient possession de la ville. Vous croisiez du socialiste partout, se congratulant à grandes embrassades et claques dans le dos. Nous étions contents de nous retrouver. Nous avions aussi l’impression d’être utiles, de proposer des solutions au pays, d’incarner des gens à défendre. Qu’en reste-t-il aujourd’hui ? Qu’incarnons-nous ? Qui représentons nous ? Que voulons nous ? Quels sont nos rêves ? Je dis « nous », car vous l’aurez compris, je suis socialiste, membre du P.S depuis 1986 et élu à son Conseil National.

Hier, j’ai lu l’interview d’un de nos dirigeants. Il disait que les socialistes allaient travailler sur, je cite, « la démocratie, la question sociale et l’écologie ». Il était temps. À longueur de tribunes écrites comme orales, je n’ai eu de cesse de leur marteler que la reconstruction intellectuelle de la Gauche se ferait autour d’un triptyque « Démocratie, Humanisme, Écologie ». L’Humanisme contient la question sociale, notamment la redistribution des richesses, mais la dépasse en incluant une autre dimension, celle de la mondialisation, avec un fil rouge: il n’y a rien que nous voudrions pour nous-même, Français, que nous ne voudrions pas également pour nos voisins européens auxquels notre destin est lié, mais aussi pour l’ensemble de l’Humanité. Je suis allé jusqu’à lui trouver un slogan, « Pour une mondialisation à l’européenne ».

C’est fondamental pour aborder la question centrale. Celle qui divise profondément la Gauche depuis le référendum sur l’Europe en 2005, mais qui n’est pas cette dernière. L’Europe n’a servi qu’a la masquer. Il s’agit de notre rapport au libéralisme économique, nous socialistes, élevés à l’école de la régulation du capitalisme par le keynésianisme, l’antithèse du néolibéralisme triomphant d’aujourd’hui. 

Quelle place laissons-nous dans nos sociétés aux Dieux des Marchés, dont la logique asymétrique et les multiples biais conduisent à enrichir sans cesse plus encore une poignée d’individus sur le dos du plus grand nombre ? Telle est la question. Cette semaine, était annoncée une distribution de dividendes records à des gens qui ne savent plus comment dépenser leur argent. Leur part de la richesse mondiale augmente d’année en année. Jusqu’où ? Jusqu’à quand, sachant qu’ils s’enrichissent grâce à un système qui appauvrit une planète Terre aux ressources finies ?

La belle déclaration d’intention de notre dirigeant dans son interview au « Monde » ne se retrouve pas vraiment dans le programme de l’Université d’été du Parti Socialiste. On ne peut pas dire qu’il est été conçu avec ce triptyque « Démocratie, Humanisme, Ecologie » comme colonne vertébrale. Il n’en n’a d’ailleurs pas vraiment de colonne vertébrale, pas même un fil à suivre, à défaut. C’est le bazar de la pensée, le souk des thématiques dans le vent, éclatés dans de multiples ateliers, qui se tiennent même en parallèle de séances pleinieres. Il y a une flopée d’invités extérieurs très intéressants, qui mettent en valeur la nouvelle génération de dirigeants socialistes, des quadragénaires aux sourires béats, manifestement trop contents d’être là.

L’impression générale est que cette confusion organisée grâce à la profusion d’ateliers thématiques est voulue. Elle reflète une stratégie, celle de l’attente tranquille de temps meilleurs. Sûrs de leur identité et de leur histoire, de la force de la « marque » socialiste dans les « territoires », comme on dit maintenant, c’est un programme pensé par des gens qui sont persuadés que la vague reviendra et les portera de nouveau au pouvoir. Il suffit d’être patient. Les forces militantes motrices dans la société civile font le travail, on les invite à l’Université, puisque le P.S finira bien par ramasser la mise électorale, au moins une fraction. Jusqu’à présent, cela à toujours marché ainsi, pourquoi ne pas continuer ? Parce que nous ne sommes pas dans un temps de continuité, mais dans un moment de rupture, celui de la fin d’un paradigme. La conjugaison des « Gilets Jaunes » et du mouvement de grève des lycéens contre le réchauffement climatique en sont les signes annonciateurs. Ce que dit le programme de La Rochelle, c’est que la Direction actuelle du Parti Socialiste ne l’a pas compris.

Les choses vues sous cet angle n’incitent pas à aller participer à cette kyrielle de débats tous plus alléchants les uns que les autres. L’inverse de l’attente, c’est l’engagement. J’en ai trouvé, grâce à une infidélité à La Rochelle, en allant à Montpellier, plus précisément à l’Université d’Été d’Urgence Écologie, regroupement des partis menés par Antoine Waechter, Robert Hue et une vieille amie, Delphine Batho.

J’y ai rencontré un magnétiseur, docteur en médecine, qui soigne avec ses ondes corporelles, capables de mettre en rade un ordinateur. Un amoureux des insectes, également, qui se balade dans tous les débats avec un Labrador de six mois qu’il dresse comme chien d’aveugle, tout en faisant la promotion de la construction de refuges pour les bestioles minuscules. Ainsi qu’une étudiante soutien des migrants, sorte d’Amélie Poulain version nantaise. Il y avait aussi une inspectrice « Colombo » au féminin d’une soixantaine d’année, espionne dans l’intelligence économique. Et pleins d’autres personnages hauts en couleurs. Surtout, j’ai senti leur souffle, leur énergie, leur conviction.

Une chose me frappe. Leur engagement pour leur cause, l’écologie totale, les porte. Depuis bien longtemps, j’entends des interventions politiques qui ne laissent pas de place à l’ego. Personne ne raconte sa vie, ne fait sa pub, tout le monde réfléchit, propose, innove, produit. J’ai avoué mon adultère à mes camarades de tendance du Parti Socialiste. Je leur ai dit que je craignais qu’à côté de Montpellier, La Rochelle ne sonne creux. Ce programme conçu selon la célèbre citation du « Guépard », « Que tout change pour que rien ne change », « parlons de tout pour ne rien dire », me le confirme. Je vais donc rester à proximité de La Rochelle, en Bretagne maternelle, à écrire pour être utile comme je le peux à mes idées et mon pays, auprès des bretons, si vrais, si vivants. Être vrai pour être vivant, voilà un bon thème pour la prochaine édition de La Rochelle, après les municipales, l’an prochain.

Malik Lounès, le 25 aout 2019.

P.S: entre le moment où cet article a été retenu par le Huffington Post et celui où vous le recevez, un de mes derniers liens avec le Parti Socialiste s’est rompu. J’ai été viré sans autre forme de procès de la boucle WhatsApp qui regroupe les dirigeants et les cadres de la tendance à laquelle j’appartiens, élus au Bureau National du P.S et de son Conseil National. 

Mon crime ? J’ai réagi au millionième message disant que notre tendance interne au Parti  devait produire intellectuellement pour être une force de proposition pour le P.S et la Gauche, en demandant si notre club de réflexion appelé « Progresser », lancé il y a deux ans et dont on est sans nouvelle, progressait. La question qu’il ne fallait apparemment pas posé, ce que j’ai fait, et qui serait « un manque de respect ». Je n’ai pourtant mis nominativement personne en cause. N’ayant pas eu droit à une quelconque explication de qui que ce soit, à commencer notre principal dirigeant, qui n’y trouve rien à redire, je ne sais donc toujours pas ce que je n’aurai pas respecté. 

Dans cette anecdote, il y a bien eu quelques manques de respect, notamment à des valeurs sensées être constitutif de l’ADN des socialistes, comme la démocratie interne, la liberté de pensée et d’expression. Quand on bafoue ces valeurs qui ont historiquement distingué le Parti Socialiste de la Gauche qui se veut radicale, on est sur la même pente que ces derniers, celles qui mène aux groupuscules sectaires. C’est un immense gâchis, surprenant pour un courant du P.S dirigé par un sexagénaire et un presque sexagénaires qui sont sensés transmettre aux jeunes génération le socle de ce que sont nos valeurs. Les deux sont apparemment victime d’une sorte « d’Alzheimer politique », alors que normalement, « la mémoire longue » n’est pas atteinte par la pathologie courante, à moins d’être dans un état très avancé.

P.S bis: étant un indécrottable optimiste, je me dis qu’un autre de mes lien plus que distendu avec le PS pourrait peut-être se raffermir à cette occasion. J’ai commencé à publier des tribunes en 2009. Les trois secrétaires de ma section locale qui se sont succédés jusqu’à notre dernier congrès ont toujours accepté de diffuser mes articles aux militants de la section, parfois sans même que j’ai à le leur demander. 

En 2018, une nouvelle Secrétaire de section a été élu. Elle m’a fait savoir qu’elle souhaitait une « expression plus collective de la section », regrettait qu’il n’y ait que mes articles à diffuser, ce qu’elle se proposait donc de cesser, tout en me proposant de participer à la nouvelle« expression plus collective de la section ». 

Depuis,« l’expression plus collective de la section » se réduit à la sienne, ses éditoriaux qu’elle envoie en même temps que les informations sur la vie de la section. Puisqu’elle lira probablement cet article et son Post Scriptum, je ne doute pas qu’elle saisira l’occasion de parvenir à son objectif « d’expression plus collective de la section » en le diffusant aux militants.